Philharmonie de Paris - Page d'accueil

Les Clés du classique #28 - La Symphonie n° 8 « Inachevée » de Schubert

Publié le 01 février 2023 — par Charlotte Landru-Chandès

Entre 1819 et 1823, Schubert traverse une période difficile. Ce sont les fameuses « années de crise ». Plusieurs œuvres datées de cette période demeurent inachevées : notamment la Symphonie n° 8 en si mineur, plus connue sous le nom de Symphonie « Inachevée ».

La série Les Clés du classique nous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.

Écouter ce podcast sur Apple PodcastsDeezerGoogle Podcasts ou Spotify.

Les extraits de la Symphonie n° 8 « Inachevée » de Schubert sont interprétés par le Chamber Orchestra of Europe, sous la direction de Semyon Bychkov. Ce concert a été enregistré à la Cité de la musique le 24 mai 2014.

Retrouvez l’intégralité de ce concert sur Philharmonie à la demande.


À la fin de l’été 1823, Schubert est nommé membre d’honneur de la Société musicale de Styrie, à Graz. Son ami, Anselm Hüttenbrenner, futur dédicataire de la Symphonie en si mineur, lui fait remettre le diplôme. Le 20 septembre, Schubert répond par courrier : « Pour exprimer musicalement ma sincère gratitude, je prendrai la liberté d’adresser au plus tôt à l’éminente Société une de mes symphonies en partition. » Cette symphonie, c’est probablement la Symphonie en si mineur. En réalité, cela fait déjà un an que Schubert pense à cette symphonie. Sur le manuscrit de la partition, on peut lire la date du 30 octobre 1822. Mais il a alors plusieurs travaux en cours, et l'œuvre reste à l’état d'ébauche.

Schubert termine bientôt les deux premiers mouvements qu’il confie à Josef, le frère d’Anselm Hüttenbrenner. Les deux frères se réjouissent de cette composition. Bien plus tard, Josef écrira qu’« elle est tout à fait l’égale par son style des symphonies beethovéniennes ». La suite des mouvements est encore à venir… mais elle ne viendra en réalité jamais. La symphonie reste en l’état, inachevée, avec deux mouvements, et quelques mesures d’un scherzo esquissé au dos du manuscrit.

Il peut paraître étonnant que Schubert n'ait plus jamais touché à sa partition, quand on sait qu’il lui reste encore cinq années à vivre. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. Tout d’abord, le travail : à peine a-t-il posé le point final de l’Andante, le deuxième mouvement de la Symphonie en si mineur, qu’il est sollicité pour une commande plus urgente et surtout, plus chère payée : la Wanderer-Fantaisie.

Schubert est ensuite accaparé par deux opéras, Les Conjurés et Fierabras. Il faut dire qu’à l’époque, le compositeur est très attiré par la scène. La Symphonie en si mineur est un peu une parenthèse entre deux périodes tournées vers l’opéra. C’est à cette époque que Schubert contracte la syphilis, et sa santé ne va cesser de se dégrader.

Il existe une autre raison pour laquelle Schubert aurait laissé sa symphonie inachevée : elle renvoie aux œuvres datées des « années de crise », et il n’est peut-être pas évident pour lui de se replonger dans cette période, comme le suggère la musicologue Brigitte Massin. Le cycle La Belle Meunière et la Sonate pour piano en la mineur, composés tous deux en 1823, inaugurent une forme de renaissance musicale chez Schubert. Quel intérêt de poursuivre une œuvre le renvoyant des années en arrière ?

La Symphonie en si mineur est la huitième des symphonies de Schubert. Le premier mouvement commence tout en douceur, par une phrase pianissimo et dans le grave. On peut y percevoir l’un de « ces motifs d’ensevelissement chers au génie schubertien », nous dit encore Brigitte Massin. S'ensuit un thème mélancolique en si mineur, exposé au hautbois et à la clarinette, bientôt confronté par un deuxième thème plus riant en sol majeur. Le deuxième mouvement, en mi majeur, est lyrique et empreint de tendresse, avec aussi parfois un caractère martial.

La Symphonie en si mineur est créée le 30 avril 1865 à Vienne, à la Société des amis de la musique, sous la direction de Johann Herbeck. Plusieurs tentatives auront lieu pour essayer d’achever l'œuvre, toutes infructueuses.

Charlotte Landru-Chandès

Charlotte Landru-Chandès  collabore à France Musique, La Lettre du Musicien et Classica. Elle conçoit des podcasts pour l'Opéra national de Paris et la Philharmonie de Paris.

  • Un podcast de Charlotte Landru-Chandès
  • Réalisé par Taïssia Froidure
  • © Cité de la musique - Philharmonie de Paris