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Lars Vogt ou la joie de jouer

Publié le 03 octobre 2022 — par Bertrand Boissard

— Lars Vogt (2019) - © Jean-Baptiste Pellerin

Personnalité dont la générosité et l’enthousiasme rejaillissaient sur ses interprétations, le pianiste et chef d’orchestre allemand, disparu le 5 septembre, figurait au rang des musiciens les plus complets et attachants de sa génération. L'Orchestre de chambre de Paris, dont il fut le directeur musical, lui rend un vibrant hommage.

— Lars Vogt - Chopin, Nocturne n° 20 en ut dièse mineur (Berlin, 2009)

 

Né en 1970 à Düren, près de Cologne, Lars Vogt commence l’étude du piano à l’âge de 6 ans. En 1990, il remporte le 2e prix du Concours de Leeds, une compétition qui, dans le passé, a récompensé maints pianistes poètes, dont Radu Lupu et Murray Perahia. Il enregistre d’abord une quinzaine de disques pour EMI (dont on espère voir la réédition), notamment avec Simon Rattle et Claudio Abbado, puis entame un partenariat fructueux avec l’éditeur finlandais Ondine. Musicien d’une rare polyvalence, il était un chambriste très apprécié, collaborant régulièrement avec le violoniste Christian Tetzlaff et avait aussi partagé la scène avec des comédiens, tel Klaus Maria Brandauer.

Sur l’impulsion de Simon Rattle, il se met à la direction d’orchestre, tout en continuant sa carrière de soliste. Nommé à la tête du Royal Northern Sinfonia en 2015, il devient directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris en 2020, un contrat qui avait été renouvelé jusqu’en 2025. En seulement deux ans, il aura marqué de manière indélébile l’histoire de la formation, nouant un lien extrêmement fort avec ses membres. Soucieux d’éducation musicale, il avait multiplié avec son orchestre les projets et les initiatives en direction de publics généralement délaissés. Ils s’étaient encore produits ensemble le 10 juillet dernier dans les jardins de l’hôtel de Sully à Paris.

— Andante du Concerto pour piano n° 2 de Chostakovitch dirigé par Lars Vogt (Jardins de Sully, juillet 2022)

 

Lars Vogt avait une prédilection pour les compositeurs germaniques, Bach (Variations Goldberg d’une merveilleuse sérénité), Mozart, Beethoven et Brahms (dont il était l’un des rares pianistes à pouvoir diriger les deux concertos du clavier), sans négliger certaines œuvres du XXe siècle signées Janáček, Hindemith ou Lutosławski, jusqu’à la musique contemporaine.

Très apprécié du public français, il était un hôte régulier des scènes parisiennes, en particulier de la Philharmonie de Paris, et figurait ainsi parmi les solistes favoris de l’Orchestre de Paris : citons entre autres ses prestations dans le Concerto n° 24 de Mozart avec Paavo Järvi (janvier 2016) ou dans le Troisième de Beethoven avec Daniel Harding (mai 2018). Avec son Orchestre de chambre de Paris, il appréciait les programmes monographiques, tel ce concert tout Schumann proposé dans la Grande salle Pierre Boulez en avril 2021 ou encore, en mars dernier, celui consacré à Mendelssohn.

— Mozart, Concerto pour piano n° 24 - Lars Vogt en répétition avec l'Orchestre de Paris

 

La maladie n’avait pas entamé son enthousiasme, sa joie de partager. Jusqu’au bout, ses interprétations furent empreintes de caractère et d’une vitalité débordante. Faisant fuser les idées, bousculant de manière salutaire nos habitudes, il redonnait leur jeunesse aux œuvres les plus fréquentées, mettant en évidence, comme au premier jour, leur fraîcheur, leur audace, leur rayonnement. Le plaisir de jouer de Lars Vogt était contagieux.

Bertrand Boissard

Bertrand Boissard écrit depuis 2010 pour le magazine Diapason. Il est un intervenant régulier de la Tribune des critiques de disques (France Musique).